Rencontre avec NORD, chanteur rouennais - Lycée Les Bruyères

Rencontre avec NORD, chanteur rouennais Partage autour de son parcours et de sa vocation

, par Emma Giraud

Nord, de son vrai nom Xavier Feugray, est un chanteur - compositeur rouennais de 34 ans que les élèves de 2nde de l’option littérature et société du lycée ont rencontré, grâce au partenaire culturel Le Trianon, scène de chanson francophone à Sotteville-lès-Rouen.

Après avoir débuté avec peu de moyens, Nord a sorti il y a environ trois ans, son premier EP de six titres qui a été bien accueilli par la presse. Il a ensuite enregistré ses premiers clips. Il a réussi à trouver, par lui-même, des partenaires musicaux, à savoir un éditeur qui diffuse largement ses chansons, et un label, Universal. Il se réjouit de bénéficier du statut d’intermittent depuis un an.

  Qu’est-ce qui, dans votre jeunesse, a déclenché chez vous l’envie de devenir artiste ?
Cette envie découle de plusieurs choses : au départ je voulais devenir peintre, je dessinais beaucoup.
J’ai été marqué, dans mon enfance, par la chanson While my guitar gently Weeps des Beatles. Puis en classe de quatrième, j’ai découvert Nirvana, et ce fut une révélation. J’aime le « truc immédiat », le genre punk un peu accessible. J’ai aussitôt emprunté la guitare de ma sœur, mais j’ai eu des difficultés car j’étais gaucher. J’ai commencé à composer à la guitare des chansons en français que je traduisais ensuite en anglais. Par la suite, j’ai abandonné l’anglais.
Après Nirvana, j’ai écouté les Pixies et les Clash. J’ai aussi monté un groupe de rock au lycée.

  Quelles études avez-vous faites ? Avez-vous ensuite exercé un métier autre que celui de musicien ?
Cela a été assez compliqué de faire une carrière artistique dans ma famille.
J’ai fait un Bac L, option Arts plastiques. Ensuite, j’ai étudié dans une école d’art au Havre, mais je passais plus de temps à faire de la musique qu’à peindre. J’ai exercé beaucoup de petits boulots saisonniers : agent d’entretien, assistant d’éducation dans un collège et même gardien d’église ! J’ouvrais les portes et j’accueillais les touristes. J’ai aussi été secrétaire dans une maison de justice. Cela me permettait de faire de la musique à côté, car jouer dans des bars ne rapportait pas tant que ça…

C’est la chance qui m’a permis de surmonter tous ces obstacles. Mais d’un autre côté, je ne « lâchais rien ».

  Avez-vous rencontré des obstacles susceptibles de remettre en cause votre carrière ? comment les avez-vous surmontés ?
J’en ai rencontré beaucoup.
J’ai connu des moments où je manquais d’argent et pendant lesquels mes boulots, trop chronophages, ne me permettaient plus d’accorder du temps à la musique. Les prestations de mon groupe dans des salles modestes étaient peu rémunérées.
Ne pas avoir de contact dans le monde de la musique parisien a aussi été un vrai problème.
C’est la chance qui m’a permis de surmonter tous ces obstacles. Mais d’un autre côté, je ne « lâchais rien ». La première personne à qui l’on a fait écouter notre premier EP nous a dit : « C’est super ! Il faut que tu en fasses d’autres, que tu te fasses un réseau. » En six mois, grâce à elle, j’ai pu rencontrer les labels Universal, Sony…

  Votre entourage vous a-t-il soutenu lorsque vous avez décidé de faire de la musique ?
Pas vraiment. Mes parents n’écoutaient jamais de musique. Ils étaient aussi assez réticents à l’idée de me laisser poursuivre une carrière dans la peinture et auraient préféré que je fasse du foot.
Jeune, j’étais un peu secret. Je suis parti de chez moi à 15 ans et c’est ma sœur qui m’a donné une éducation musicale : elle m’a fait écouter de la chanson française, les Doors… Je me suis rapidement fait des amis qui étaient eux-mêmes musiciens, et j’ai trouvé un soutien auprès d’eux.

On peut réussir sans avoir de succès. La réussite, c’est quelque chose d’assez personnel. L’important, c’est de garder sa passion.

  Quels ont été, ou quels sont, les artistes qui vous ont inspiré ?
J’adore Nirvana, c’est vraiment ce groupe qui m’a permis d’aller écouter beaucoup d’autres styles. Sinon, en chanson française, j’écoute Mathieu Boogaerts, Dominique A, et beaucoup d’autres artistes, qui sont aujourd’hui décédés. Chez Boogaerts et Dominique A., les chansons sont minimalistes et les paroles, difficiles d’accès, sont teintées de délicatesse et de fragilité. En ce moment, j’aime écouter Bob Dylan, Leonard Cohen... Cohen touchait un peu à tout, à la poésie, à la musique, pour « choper les filles ». Mais il y a aussi The Doors, Petit Biscuit, Moderat... .Et aussi Eels, qui touche un peu à tout en solo et qui a un univers folk-rock américain bien particulier.

  Quelle est la musique qui pourrait vous décrire ?
Celle qui pourrait me décrire, c’est Who by fire, de Léonard Cohen ou encore le groupe de rock LCD Soundsystem : leur style mêle une association étrange de rock et d’électro. Il y a aussi à l’intérieur l’énergie du rock et du punk.

  Est-ce le succès qui vous intéresse, ou seulement le fait de vivre de votre passion ? Etes-vous fier de votre parcours ?
On peut réussir sans avoir de succès. La réussite, c’est quelque chose d’assez personnel. L’important, c’est de garder sa passion. Et de faire de bonnes chansons : c’est surtout ce qui me hante et ce qui me tient. Ce qui est compliqué c’est de trouver le bon réseau professionnel pour réaliser son disque ou encore trouver sa maison de disque.
Je suis satisfait de mes 4 dernières années : j’ai trouvé un manager et un tourneur. Je me suis produit aux Francofolies et au Printemps de Bourges. Je vais aller au Francofolies de Montréal. Il y a eu une évolution dans mon parcours.

  Quelles sont vos aspirations actuelles, en termes de collaborations, de projets… ?
Je collabore avec un groupe de cinéastes qui s’appelle La Sucrerie. Ils m’apportent des idées et des solutions pour aborder l’image, comme dans mon dernier clip, celui d’Elle voudrait. Ce sont eux qui me proposent l’histoire de mes clips avec toujours le même triptyque - le noir et blanc, la femme et le chanteur - mais aussi certaines techniques.
Au niveau musical, je collabore avec le groupe Keep Cool. Ces deux musiciens m’accompagnent sur scène, et je ne chante plus seul.
Quand on fait une carrière solo, on a aussi besoin d’un manager, pour donner une couleur à votre album, pour vous ouvrir son réseau ou encore vous donner un premier avis sur ce que vous faites.

  Vous êtes jeune, pourquoi ne pas profiter des côtés positifs de la vie et le mettre en avant dans vos musiques ?
Je profite de ses côtés positifs mais c’est seulement que je préfère ses côtés mélancoliques et sombres, qui transparaissent naturellement dans mes musiques. Mais il y a aussi de nombreuses choses cachées dans mes chansons, comme des respirations qu’on n’entend pas. J’adore en jouer.

  Pour écrire « Mémorable », vous êtes-vous inspiré d’une expérience personnelle ?
Oui, de plusieurs expériences personnelles. J’aime bien partir d’éléments personnels et aller vers une autre histoire, autrement dit, écrire une autofiction. La phrase « C’est le plus beau jour de ma vie » est ironique car elle est trop galvaudée, elle ne veut plus rien dire. Elle reflète bien le cynisme de la société. « Le plus beau jour de ma vie », est-ce que ça peut exister ? Que fait-on du vide de l’existence ?

  Pourquoi accorder une telle importance à la drogue et à l’alcool dans cette chanson ?
Je constate simplement qu’on peut les rencontrer. Je n’en fais pas l’éloge. En réalité, c’est une sorte de message de sécurité.

  Quels instruments avez-vous utilisés dans » Mémorable » ?
J’ai utilisé une guitare acoustique et une guitare électrique, des bandes de samples un peu partout avec juste un son hybride qui ressemble à celui d’une trompette ou d’une flûte, réalisé avec un synthé que l’on appelle un Chamberlin , et également des batteries synthétiques. Pour les voix, c’est plutôt quelque chose d’organique qui rajoute de l’humain, de la chaleur, au morceau froid réalisé avec des instruments synthétiques.

Sur scène, j’ai toujours des frissons parce qu’il se passe autre chose que dans la vraie vie !

  En chantant, avez-vous réalisé un rêve ? Que ressentez-vous sur scène ?
J’ai un peu voyagé. J’ai été en Lituanie pour jouer lors d’un festival. J’aimerais particulièrement me produire en Chine pour découvrir une nouvelle culture et être confronté à un public inconnu. J’ai déjà fait des démarches par rapport à cela.
Sur scène, j’ai toujours des frissons parce qu’il se passe autre chose que dans la vraie vie !

P.-S.

:plusieurs Les questions ont été conçues par les élèves qui ont mené et retranscrit l’interview.
:ecrire La mise en forme synthétique finale a été réalisée par les enseignants.